Lutte contre l’épidémie du tabagisme en Afrique; l’aide à l’arrêt au tabac pour sauver la jeunesse
En Afrique sub-saharienne, la prévalence du tabagisme augmentera de près de 39% d’ici à 2030, passant ainsi de 15,8% en 2010 à 21,9% en 2030. Or, le tabac constitue une menace pour le développement et tue 8 millions de personnes dans le monde par an, soit un décès toutes les 4 secondes. Pour sauver la jeunesse des méfaits du tabagisme, l’implication des gouvernants dans le sevrage tabagique semble un impératif.
« 17% des enfants de 13 à 15 ans consomment déjà des produits du tabac contre environ 18% des hommes et 2% des femmes avec une disparité entre les pays de l’Afrique sub-saharienne », expose Dr Judith Segnon, Point focal lutte antitabac au Ministère de la santé au Bénin lors d’un webinaire organisé le 31 mai 2021, par la section-Bénin du Réseau des médias africains pour la promotion de la santé et de l’environnement (Remapsen).
Selon M. Lacina Tall, Président des Ong actives pour le contrôle du tabac en Côte d’Ivoire (Rocta-CI), les jeunes constituent le public cible de l’industrie du tabac en remplacement aux vieux fumeurs susceptibles de mourir du fait de la consommation du tabac. En témoigne l’orientation des publicités relatives à ces nouveaux produits vers la couche juvénile.
Dans un communiqué de presse régional conjoint rendu public à l’occasion de la célébration de l’édition 2021 de la Journée mondiale sans tabac, les acteurs de la lutte antitabac de la région ont déploré et fustigé les manœuvres de l’industrie du tabac qui investit dans des stratégies visant à initier les jeunes à ses produits. « L’industrie du tabac voit un énorme marché en Afrique et continuera sans doute à tenter d’attirer le plus grand nombre de personnes vers ses nouveaux produits tels que les e-cigarettes », alertent les champions de la lutte anti-tabac.
Des efforts vains….
Dans sa présentation intitulée ‘’Etats des lieux, défis et perspectives de la lutte antitabac dans la région africaine et au Bénin’’, Dr Judith Segnon fait remarquer que : chaque pays africain dispose d’un point focal pour la lutte antitabac au sein du ministère de la santé. A l’en croire, 46 pays africains ont signé et ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT). Plusieurs de ces pays ont aussi formulé et mis en œuvre des politiques de lutte antitabac.
Selon la même source, l’interdiction de la publicité, du parrainage, du sponsoring et de mécénat par les firmes du tabac de même que l’interdiction de la vente du tabac aux mineurs et par les mineurs prescrite dans les lois antitabac des pays dans la région sont une réalité dans la plupart des pays.
Toutefois, des défis énormes restent à relever pour la réussite de la lutte antitabac en Afrique.
Bien que la CCLAT encourage la sensibilisation au sevrage tabagique et l’accompagnement des personnes dépendantes du tabac, l’effectivité de l’aide à l’arrêt au tabac peine à être une réalité dans les pays à l’exception du Sénégal et du Burkina-Faso où des efforts sont faits.
Le faible engagement politique des gouvernants, l’inexistence d’une plateforme appropriée pour la communication, la diffusion et le partage des meilleures pratiques en matière de la lutte antitabac en Afrique, l’ingérence de l’industrie du Tabac dans la promulgation et la mise en application des législations sur la lutte en Afrique sont entre autres les facteurs qui expliquent le retard accusé dans la région.
A cette allure, on pourrait dire sans se tromper que la situation va empirer si rien n’est fait.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) note que les recherches disponibles en la matière suggèrent que les fumeurs courent un risque plus élevé de développer une maladie grave et de mourir du Covid-19-19. D’où la pertinence du thème de cette année : ‘’S’engager à arrêter ’’ pour inverser la situation et sauver la jeunesse.
Cet appel permet non seulement de garantir la bonne santé et le bien-être des jeunes et de la population en général, mais aussi de réduire considérablement les énormes charges économiques et sociales que les gouvernements subissent actuellement en raison de la pandémie du Covid-19.
Urgence d’agir
La sensibilisation et l’aide au sevrage tabagique étant des exigences de la CCLAT pour l’atteinte d’une couverture sanitaire universelle, tous les acteurs impliqués dans la lutte antitabac (gouvernement, Ptfs, Osc, communautés) doivent jouer chacun sa partition pour l’implémentation effectivement de la CCLAT en Afrique.
Il est donc primordial pour les Etats garant de la protection des populations de : doter la lutte antitabac d’un financement conséquent et durable ; de protéger les politiques de santé publique de l’ingérence de l’industrie du tabac ; d’appliquer les directives de la CEDEAO, CEMAC et de CEEAE relatives à la taxation des produits du tabac ; de créer des centres pour le sevrage tabagique afin d’ôter les barrières financières et permettre au plus grand nombre de jeunes qui désirent renoncer au tabac d’y accéder pour un arrêt effectif ; de former les professionnels de la santé pour assister les fumeurs désireux d’arrêter ; d’intégrer l’aide au sevrage tabagique dans les structures de santé ; d’intégrer les produits d’aide au sevrage dans la liste des médicaments essentiels ; de bannir la publicité indirecte sur les produits du tabac…
Pour M. Augustin Faton, Directeur exécutif de l’Ong IECT, et champion de la lutte antitabac au Bénin, il urge que la société civile y compris les médias s’investisse encore plus dans la sensibilisation, l’éducation et l’information des populations sur les effets nocifs de la cigarette et du tabac en général.
« La sensibilisation demeure l’un des outils efficaces pour conscientiser et sauver la jeunesse des manœuvres de l’industrie du tabac, a-t-il soutenu. Aussi, doit-elle veiller à l’application effective des sanctions prévues dans la législation antitabac pour dissuader les indélicats afin de contribuer à rendre tous les lieux de travail, les écoles, les hôtels, bars, restaurants et transports en communs espace 100% sans tabac.
Ainsi, l’Afrique pourra inverser la tendance de l’épidémie du tabagisme et amorcer les conditions de réalisation de son développement durable.
Source: 24 Heures au Benin