Tabac : le commerce parallèle explose en France depuis le Covid
Les ventes de cigarettes non fiscalisées ont atteint un niveau record en France en 2021, selon un rapport de KPMG. Elles ont atteint 35 % du total de la consommation, soit un bond de 5 points en un an. L’essentiel (29 %) est fourni par des circuits illicites de contrebande et contrefaçon.
Jamais autant de ventes de tabac n’avaient échappé aux buralistes. En 2021, selon KPMG, plus d’un tiers (35 %) des cigarettes consommées en France ont été achetées en dehors du circuit légal, échappant ce faisant à une fiscalité de… 83%. Pendant le seul confinement de 2020, quelque trois milliards d’euros ont ainsi fait défaut au Trésor Public, selon le rapport Eric Woerth à la commission des finances de l’Assemblée nationale.
« Le commerce parallèle de cigarettes a explosé avec la pandémie », estime KPMG. « Et cela va continuer en raison des hausses de prix successives de 1 euro par an depuis plusieurs années », prévient Jeanne Pollès, présidente de Philip Morris France (Marlboro). L’essentiel de cette activité (29 %) est illicite et provient de la contrebande et de la contrefaçon. Les achats transfrontaliers ne totalisent que 6 % ces 29 %, tandis que la contrefaçon en représente 15 % à elle seule, indique le rapport de KPMG .
Un trafic juteux
« Pendant la période Covid, les trafiquants ne pouvaient plus faire venir des cigarettes de l’étranger. Résultat, ils se sont mis à fabriquer en France. La police vient de démanteler une de leurs usines à Meaux », précise encore la présidente de Philip Morris France. Les usines de ce type ne fonctionnent que deux à trois mois de suite, 24 heures sur 24. « La fabrication de ces cigarettes ne respecte aucun des standards de l’industrie. Elles sont parfois faites à même le sol avec toutes sortes de mélanges », pointe-t-elle.
Les coûts d’élaboration sont minimes (entre 80 centimes et 1 euro le paquet), et le commerce extrêmement lucratif sur la base d’un paquet vendu entre 3 et 4 euros. Les peines nettement plus faibles que celles encourues pour le trafic de drogue contribuent à renforcer l’intérêt de la mafia pour le trafic de cigarettes.
Les Français fument plus que les autres Européens
Philip Morris France lance « un signal d’alarme » et appelle à un changement de politique en France. « Le niveau des taxes françaises est le plus élevé de toute l’Europe. Les prix aussi, ce qui n’a en rien réduit la prévalence du tabagisme. Au contraire. Plus d’un Français sur quatre fume tous les jours. C’est plus que dans n’importe quel autre pays européen », poursuit Jeanne Pollès. En 2021, les ventes de buralistes ont reculé de 6 %, mais la consommation de cigarettes a augmenté de 1,6 %.
Une directive européenne est en cours d’élaboration sur la taxation des cigarettes, ainsi que sur les produits dits à risques réduits parce qu’ils évitent la combustion pointée comme le facteur cancérigène. C’est le cas de la cigarette électronique et le tabac à chauffer .
Certains pays européens ont déjà une fiscalité proportionnelle au risque estimé de chaque catégorie. Ce n’est pas le cas de la France. La directive, qui n’a pas l’ambition d’harmoniser la fiscalité, devrait en revanche unifier la définition des catégories de produits d’un pays membre à l’autre. Aujourd’hui, les e-cigarettes en France ne supportent que la TVA. Et le tabac à chauffer est taxé comme le tabac.
« Il faut intégrer ces nouveaux produits dans la réflexion sur les pratiques et sur l’évolution de la fiscalité », abonde Jeanne Pollès. Le taux de fumeurs au Royaume-Uni est passé de 25 % à 12 % en dix ans. Pour Philip Morris France, il ne fait pas de doute que « c’est le discours des pouvoirs publics sur la moindre dangerosité de la e-cigarette qui a permis de diminuer la consommation de cigarettes outre-Manche ».
Source: Les Echos