Cameroun – Judith Chekumo : « Une séance de chicha équivaut à 100 cigarettes consommées »
La Coalition camerounaise contre le tabac (C3T), qui s’est engagée pour l’adoption d’une loi nationale sur la lutte antitabac au Cameroun, a affronté les médias à Yaoundé ce mardi 6 juillet 2021.
Dans cette interview, Judith Chekumo, secrétaire de direction au C3T évoque les avancées, mais insiste surtout sur les aspects essentiels d’une loi qui s’impose.
Nous n’en avons pas encore fini avec les cigarettes puisque le C3T travaille déjà sur un nouveau site, celui de la chicha. quel est le problème?
Avec l’entrée sur le marché des produits dérivés du tabac, notamment la cigarette électronique suivie de la chicha, les jeunes ont pensé qu’il s’agissait d’un palliatif. Mais c’est faux! Les jeunes se trompent gravement. La chicha est plus nocive que la cigarette. Certaines personnes me disent : « Madame, l’eau de la chicha la fait filtrer. Dangereux n’est pas comme vous le dites. C’est le contraire ! L’eau dans la conduite d’eau est un facteur nocif. Il refroidit la fumée et permet une inhalation plus longue. Une séance de chicha expose le jeune sept fois plus au monoxyde de carbone qu’à la cigarette. C’est donc avec le goudron. Une séance de chicha équivaut à 100 bâtonnets de cigarettes consommés en teneur en goudron. Des études de l’OMS montrent que la chicha contient 27 substances cancérigènes. Le porte-parole que les jeunes utilisent pour consommer la chicha est un facteur de transmission de maladies comme la tuberculose et les hépatites virales. La chicha est un dérivé des produits du tabac. Il est temps de l’intégrer au processus de lutte antitabac. En plus du sucre, des arômes, des acides de fruits… la chicha contient 25% de tabac.
Au cours de cette réunion, il y a eu d’autres discussions avec les médias fiscaux. Comment cela aidera-t-il à contrôler cet autre produit de consommation ?
Les États signataires de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), bible en la matière, ont montré dans son article 6 que des mesures financières et fiscales pouvaient contribuer à une réduction significative du tabagisme. Et quand on parle de taxes, au Cameroun nous avons différents types de taxes : taxe à l’importation, taxe sur la valeur ajoutée (TVA), droits d’accises sur lesquels nous nous concentrons. Les taxes d’accise doivent être égales à 75 % du prix d’une cigarette pour avoir un effet sur la réduction de la consommation. Tant que nous sommes dans notre pays, nous ne sommes encore que 30%. C’est notre plaidoyer. Nous souhaitons que le Cameroun augmente le droit d’accise sur les produits provenant de :
le tabac.
Où en êtes-vous pour plaider en faveur de l’adoption d’une loi nationale sur le tabac ?
Nous pensons qu’il s’agit d’une question d’agenda politique. Mais la société civile n’est pas plus rapide que la musique. Cela fait 11 ans que le Cameroun a rédigé un projet de loi qui a été envoyé aux autorités du pays et à ce jour, nous ne savons pas ce qui se passe. Pourtant, l’usage du tabac est en augmentation dans notre société. Nous déplorons les effets néfastes de ces produits au quotidien. On ne voit que la drogue dure qui a des effets psychosomatiques et sur le système nerveux. Mais le tabac est un tueur silencieux. Parfois, les effets sont visibles à moyen ou long terme. Il n’est donc pas nécessaire de laisser se développer des métastases.
Nous voulons une véritable surveillance de ce secteur. Il est temps que le Cameroun remplisse ses engagements au niveau international à travers la ratification de CClaten 2006. L’une des dispositions impose au pays d’en internaliser le contenu à travers des lois, des règlements et des mesures administratives. Certes, nous avons la loi sur la publicité, mais ce n’est pas spécifique au tabac, nous avons une réglementation qui est fragmentée… Il s’agit d’une loi nationale qui intègre tous les aspects liés à la lutte antitabac. En particulier : l’interdiction de fumer dans les lieux publics, la mise en place de marquages sanitaires graphiques, malgré les progrès ; l’interdiction de toute forme de publicité, de parrainage et de vente de produits du tabac à et par des mineurs ; protection contre l’ingérence de l’industrie du tabac; augmentation des droits d’accise sur les produits du tabac. Nous avons besoin d’une loi qui tienne compte des dispositions relatives à l’information sur la composition des produits du tabac, etc. Il est anormal que notre pays, qui a été l’un des premiers à ratifier, soit l’un des derniers à se doter d’une loi nationale.
Source : Cameroun Magazine