China Tobacco soupçonné de contrebande de cigarettes depuis la Roumanie

China Tobacco soupçonné de contrebande de cigarettes depuis la Roumanie

Des dizaines de conteneurs de cigarettes produites dans l’usine roumaine de China Tobacco auraient « disparu » et sont soupçonnés d’alimenter la contrebande en Europe, selon un article de l’OCCRP.

La China Tobacco International Europe Company (CTIEC), branche européenne de la China National Tobacco Corporation (CNTC), est mise en cause par les douanes et la police roumaines sur la base de la traçabilité de nombreux conteneurs de cigarettes. Plusieurs millions de cigarettes produites dans son usine de Roumanie semblent en effet avoir « disparu » avant d’avoir atteint leur destination, inspirant aux enquêteurs des soupçons de contrebande en lien avec des réseaux criminels européens, rapporte un article de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP)[1].

Des circuits de livraison tortueux

L’article de l’OCCRP détaille ainsi le cas d’une commande de 4,5 millions de cigarettes, passée en 2014 par Ali Rashed, un homme d’affaires napolitain d’origine jordanienne, candidat au Sénat italien en 2013 sous les couleurs de la Ligue du Nord. Censée être acheminée et distribuée en Jordanie sous une marque propre, la marchandise a été, le jour même du départ, réorientée vers une société britannique, et fut livrée en Russie, via la Lettonie, par un transporteur irlandais.

L’enquête a révélé que ce relais irlandais était suspecté dans son pays d’être lié à des trafics criminels et que de simples photocopies – falsifiables – ont été produites en place des documents originaux permettant de laisser sortir la marchandise. L’entreprise russe était fictive, l’intermédiaire letton a déclaré ne pas être informé de cette opération et la société britannique a rapidement été dissoute. La cargaison se serait volatilisée entre Riga et Moscou.

Ces indices et le circuit indirect des livraisons ont attiré l’attention des enquêteurs, la CTIEC étant supposée vérifier la fiabilité de ses commanditaires. Plus encore, le fait que la CTIEC ait omis de fournir une escorte pour sécuriser les convois, comme cela se pratique habituellement en Roumanie, semble témoigner d’une complicité active de sa part. La marchandise, vendue 38 700 € US (36 170 €) à Ali Rashed, a été estimée pouvoir être revendue 900 000 $ US (841 000 €) sur le marché noir, mais sa véritable destination est restée inconnue.

D’autres livraisons de ce type auraient eu lieu depuis, portant au total sur au moins 10 millions de cigarettes (500 000 paquets) et impliquant 20 à 30 conteneurs « disparus » après avoir transité par la Hongrie, l’Ukraine, le Monténégro, la Moldavie ou la Transnistrie, une région sécessionniste de la Moldavie. L’Ukraine apparaissait souvent comme la plateforme de transit vers les différents marchés européens[2].

Une stratégie internationale qui s’appuie sur la contrebande

Premier opérateur mondial du tabac avec 46 % du volume global, la CNTC, fondée en 1982, est un consortium rassemblant de nombreux producteurs de cigarettes et plusieurs entités internationales. Supervisée par la State Tobacco Monopoly Administration (STMA), qui est également censée assurer la lutte contre le tabagisme, la CNTC est en situation de monopole en Chine, où elle couvre 97 % du marché. L’essentiel de ses revenus provient encore de la vente de produits du tabac traditionnels, mais China Tobacco a aussi développé des systèmes de tabac chauffé, exportés au Japon et en Corée du Sud, ainsi que des cigarettes électroniques.

L’activité internationale de la CNTC ne représente qu’1 % de ses revenus, mais est en plein essor, passant de 248 millions $ US (231 millions €) en 2009 à 722 millions $ US (674 millions €) en 2019[3]. La CNTC a noué des partenariats avec les principaux majors du tabac (Philip Morris International, British American Tobacco, Japan Tobacco International, Imperial Brands), afin de bénéficier d’ouvertures sur leurs propres marchés.

La CNTC s’est également appropriée les stratégies d’infiltration des marchés élaborées par ces majors, en particulier lorsqu’elles ont investi par la contrebande les marchés russe et chinois qui leur étaient interdits. C’est sur ce modèle que, à partir de son usine roumaine, la CNTC diffuse de façon clandestine ses produits encore non distribués officiellement sur le marché européen, avant d’y introduire par la suite ses marques de façon légale. D’autres opérations de contrebande impliquant la CNTC ont été pointées en Amérique latine et au Moyen-Orient.

Source: GénérationsSansTabac


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