Nouvelle-Zélande : L’offensive de Philip Morris pour obtenir une fiscalité avantageuse en faveur du tabac chauffé
Un document interne datant de 2017 de Philip Morris et consulté par le média Radio New-Zealand, révèle le plan du fabricant pour faire pression sur les groupes parlementaires NZ First (actuellement au pouvoir) et Te Pati Māori afin d’obtenir une réglementation favorable pour ses produits de tabac chauffé.
Le document obtenu par le média néo-zélandais indique que l’objectif numéro un du fabricant est de « maintenir la pression politique pour garantir un cadre réglementaire favorable à toutes les alternatives sans fumée ».
Les associations en santé publique se désolent de la situation, « nous disposions d’une législation antitabac de premier plan au niveau mondial, étayée par des preuves solides, qui aurait permis de réduire des milliers de décès, de dommages et de coûts pour le système de santé. Il semble assez clair maintenant qu’elle a été mise de côté au profit de Philip Morris », a réagi la Coalition pour la santé dans un communiqué.
Inclure les nouveaux produits du tabac et de la nicotine dans la stratégie gouvernementale Smokefree 2025
RNZ a obtenu le document intitulé « Designing a Smoke-free Future in New Zealand » (concevoir un avenir sans fumée en Nouvelle-Zélande), un plan visant à faire pression pour que le tabac chauffé et les autres produits à base de nicotine (produits du vapotage, snus et sachets de nicotine) soient intégrés dans le cadre de la stratégie gouvernementale Smokefree 2025 pour parvenir à une génération sans tabac.
Le plan révèle que le cigarettier prévoyait de cibler des groupes de réflexion (Think thank) comme tierces parties pour « plaider en faveur de politiques réglementaires et fiscales proportionnelles en fonction du risque que présentent les produits non combustibles » par rapport aux cigarettes manufacturée. Les partis politiques ont également été ciblés, il s’agissait, selon le document, de : « s’appuyer sur d’autres acteurs politiques que le parti maori, comme NZ First, pour faire pression en faveur de l’inclusion de tous les produits sans fumée en tant qu’élément indispensable de la stratégie Smokefree 2025 ».
Philip Morris souhaitait également capter le discours relatif à la réduction des risques dans les médias et après du grand public en lançant une « une campagne de relations publiques afin de créer un contexte optimal pour que Philip Morris participe à un monde sans fumée en Nouvelle-Zélande », en faisant passer le message que le tabac chauffé permettrait d’atteindre l’objectif gouvernemental. Le fabricant entend ainsi se positionner comme un acteur à part entière offrant des solutions susceptibles de réduire le tabagisme. Le document précise également « ceux qui s’opposent au rôle du Philip Morris dans une Nouvelle-Zélande sans fumée … [signifie] qu’ils s’opposent à la réduction des risques ou qu’ils sont en faveur des risques [du tabagisme] ».
Un récent document interne de Philip Morris Japan a révélé une stratégie similaire. Le fabricant a fait pression pour que l’utilisation de l’IQOS soit autorisée dans les lieux où il est interdit de fumer au Japon et pour que son produit soit taxé à un taux favorable afin d’en garantir l’accessibilité. Le fabricant ciblait tout particulièrement des responsables politiques et des tierces parties pour faire passer ses messages.
Un lobby qui a porté ses fruits en Nouvelle-Zélande
Casey Costello, ministre associée de la santé, ministre des douanes et députée du parti NZ First, est en charge de la politique en matière de tabac et de vapotage. Elle a récemment réduit de moitié les droits d’accise sur les produits du tabac chauffé, elle étudie les possibilités de légaliser la vente de produits à base de nicotine orale (sachets de nicotine). Elle a aussi supervisé l’abrogation de la loi antitabac néo-zélandaise, la première au monde, qui aurait interdit la vente de tabac à toute personne née après 2009 et qui prévoyait de réduire massivement le nombre de points de vente de tabac dans le pays. Ainsi, cette décision de Costello a conduit le gouvernement à mettre de côté un fonds de prévoyance de 216 millions de dollars australiens pour couvrir la perte de revenus estimée sur les taxes du tabac chauffé.
Dans une déclaration à RNZ, Mme Costello a indiqué que le vapotage avait été un outil efficace pour arrêter de fumer et qu’elle souhaitait voir si le tabac chauffé serait également un outil utile pour arrêter de fumer, ajoutant que « le tabac chauffé a un profil de risque similaire à celui des vapes ». Une telle affirmation va à l’encontre de la littérature scientifique, puisqu’aucune étude indépendante ne permet d’affirmer que la consommation de tabac à chauffer présente un risque réduit en comparaison des cigarettes traditionnelles. Sa déclaration va également à l’encontre de son propre ministère qui indique qu’il n’existe pas de preuves solides de l’innocuité des dispositifs de tabac chauffé et qu’il ne doit pas être proposé comme un outil de sevrage.
Costello reprend ainsi le discours de Philip Morris en encourageant les fumeurs actuels à se maintenir dans l’addiction à la nicotine au lieu de les encourager à stopper entièrement leur consommation.
La proximité du parti NZ First avec l’industrie du tabac
Depuis son arrivée au pouvoir en novembre 2023, la nouvelle coalition gouvernementale ne cesse de s’opposer aux mesures de lutte contre le tabagisme et montre une grande proximité avec l’industrie du tabac. Shane Jones, ministre délégué aux Finances et à l’énergie, refuse ainsi de respecter les dispositions de transparence de la Convention-cadre pour la lutte antitabac, dont l’article 5.3 proscrit toute interférence de l’industrie du tabac dans les politiques publiques. Shane Jones a déclaré qu’il en ignorait tout et qu’il n’y prêtait « pas un iota d’attention ».
David Broome, ancien chef de cabinet de NZ First entre 2014 et 2017, est désormais responsable des relations extérieures chez Philip Morris. Apirana Dawson – qui a été directeur des opérations et de la recherche au bureau de Winston Peters (chef du parti) entre 2013 et 2017 et a mené les campagnes électorales pour le parti en 2014 et 2017 – est maintenant directeur des affaires extérieures chez Philip Morris. Shane Jones a par ailleurs invité Dawson à la cérémonie de prestation de serment du nouveau gouvernement en novembre dernier et a « pris conseil » auprès de lui concernant la stratégie gouvernementale Smokefree 2025.
Costello a également présidé l’Union des contribuables, un groupe de pression qui a pris des positions en faveur de l’industrie du tabac sans révéler qu’il recevait de l’argent de British American Tobacco.