Pourquoi le cigarettier Philip Morris investit dans la santé

Le leader mondial du tabac, Philip Morris, vient de racheter Vectura, une entreprise britannique spécialisée dans les inhalateurs médicaux destinés à soigner les maladies liées au tabagisme. L’alliance apparaît a priori surprenante, mais concrétise un peu plus le virage engagé par le groupe.

C’est le mariage de la carpe et du lapin. Philip Morris, fabricant mondial de cigarettes, met la main sur la société britannique Vectura, spécialisée dans les inhalateurs médicaux destinés à soigner les maladies liées au tabagisme.

Vectura a accepté l’offre du cigarettier jeudi 12 août en fin de journée. Pour cette opération, Philip Morris paiera 1,1 milliard de livres, soit 1,3 milliard d’euros. La veille, le fonds d’investissement américain Carlyle, qui convoitait aussi Vectura, avait annoncé se retirer de la course au rachat, laissant ainsi la voie libre au mastodonte du tabac.

Le secteur de la santé en ligne de mire

Philip Morris investit dans le secteur de la santé depuis plusieurs années. Le groupe a annoncé le 1er juillet dernier, l’achat de Fertin Pharma pour 700 millions d’euros. Le laboratoire pharmaceutique danois développe des produits de substitution au tabac.

En tout, ce sont 3 entreprises pharmaceutiques qui sont en passe de tomber dans le giron de Philip Morris : Vectura, Fertin Pharma et Otitopic. Cette dernière, spécialisée dans les médicaments inhalés, a reçu une offre du géant du tabac lundi 9 août. Otitopic a développé un traitement contre l’infarctus du myocarde pour les patients rendus à un stade avancé de la maladie.

Diversifier son offre pour survivre

Philip Morris prend de plus en plus ses distances avec son activité historique. En 2017, le groupe a créé la Fondation pour un monde sans fumée, censée encourager l’arrêt du tabac. Un moyen pour le fabricant de cigarettes de promouvoir les produits alternatifs, comme le tabac chauffé jugé moins nocif pour la santé car sans combustion, mais critiqué par les associations de lutte contre le tabagisme et les médecins en raison de la nicotine qu’il contient.

Dans son dernier rapport annuel, Philip Morris indique que les produits alternatifs à la cigarette représentent 23,8 % de ses revenus nets. À terme, le groupe se donne pour objectif de générer 50 % de ses revenus nets grâce aux produits sans combustion et 1 milliard de dollars d’ici à 2025 grâce aux produits sans nicotine.

Déclin du tabac

Ces produits alternatifs au tabac et ces alliances surprenantes avec des firmes pharmaceutiques sont le résultat d’un contexte loin d’être au beau fixe pour les cigarettiers.

L’érosion des ventes ces dernières années, particulièrement marquée dans les pays riches, annonce le déclin progressif de l’économie du tabac. Au niveau mondial, le nombre de fumeurs a baissé de 60 millions en l’espace de 20 ans, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, leur proportion au sein de la population est passée de 34,5 % à 30,4 % entre 2016 et 2019.

Les États engagés dans la lutte anti-tabac

Cette tendance s’explique en France par les campagnes de prévention conjuguées aux lois anti-tabac comme la loi Evin de 1991, l’interdiction de fumer dans les espaces publics en 2006 et la mise en place du paquet neutre en 2016. L’augmentation constante du prix du paquet, dépassant désormais les 10 €, pèse aussi sur le portefeuille des fumeurs. Les taxes représentant désormais 80 % du prix des cigarettes.

D’autres pays ont pris des mesures anti-tabac. C’est le cas du Royaume-Uni qui expérimente des zones où il est interdit de fumer en plein air, ou du Japon où les Jeux olympiques ont accéléré l’interdiction de la cigarette dans la plupart des lieux publics. Conscients de cette réalité, les dirigeants de Philip Morris ont indiqué qu’ils pourraient cesser complètement de vendre du tabac d’ici « 10 à 15 ans » dans certains pays, citant justement le Japon et le Royaume-Uni. Pour survivre, Philip Morris doit se diversifier pour imaginer un avenir sans tabac.

Source: La Croix


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