Covid-19 et tabac : comment les confinements ont influencé la consommation des Français
Environ un quart des Français fument quotidiennement, un chiffre en baisse depuis de nombreuses années. Mais la crise sanitaire a chamboulé beaucoup de comportements, dont ceux des fumeurs.
Entamé il y a deux semaines, le Mois sans tabac incite comme chaque mois de novembre depuis 2016 les fumeurs à s’engager dans une démarche d’arrêt du tabac. Cette cinquième édition est aussi la seconde à se dérouler sous le signe du Covid-19. Un contexte important alors que la crise sanitaire a affecté les habitudes des Français y compris dans leur rapport aux consommations addictives.
Une enquête BVA – Addictions France publiée début 2021 révèle que 35% des fumeurs ont augmenté leur consommation de tabac lors de l’année 2020. Dans son étude CoviPrev, l’organisme Santé Publique France a lui interrogé les fumeurs sur leurs pratiques lors du premier confinement et montre que 27% des fumeurs estiment avoir augmenté leur consommation, une hausse qui s’élève en moyenne à 5 cigarettes chez les fumeurs quotidiens. «Depuis 2014, on observe une baisse assez nette du tabagisme en France. On est passé de près de 30% de fumeurs quotidiens en population adulte en 2014, à 25% en 2019. En 2020, il y a eu un arrêt de cette baisse», indique Romain Guignard, chargé d’expertise scientifique à l’Unité addiction Santé Publique France. «La principale raison d’augmentation du tabac, c’est l’ennui lié à cette période, qui était cité par 3/4 des répondants dans CoviPrev. Pour la moitié d’entre eux, c’était le stress, l’anxiété de la situation qui avait provoqué une augmentation», ajoute-t-il.
Des tendances contradictoires
A contrario, certains fumeurs ont diminué leur consommation pendant le confinement : c’est le cas de 19% des répondants de l’étude de Santé Publique France. « Pour certains, il s’agit d’une prise de conscience de leur tabagisme et le sentiment que cette période de confinement pourrait être propice à des excès», souligne Romain Guignard. Les confinements et les fermetures des lieux de sortie ont contraint les Français à passer plus de temps chez eux, ce qui a pu amener certains à arrêter la cigarette. Car, comme l’a remarqué Anne-Laurence Le Faou, addictologue et présidente de la Société francophone de tabacologie, l’environnement joue un rôle dans l’arrêt du tabac. «Réfléchir au fait de fumer et de fumer chez soi, c’est-à-dire au fait d’exposer sa famille, avoir des enfants qui vont demander à leurs parents d’arrêter, ça peut être une motivation très positive.»
Ces deux tendances, bien distinctes s’inscriront-elles dans la durée ? L’étude de Santé Publique France, qui se base exclusivement sur le premier confinement, révèle aussi que 55% des fumeurs interrogés n’ont pas modifié leur consommation de tabac sur la période. Pour Romain Guignard, il est de toute façon prémédité de tirer des conclusions sur un impact à long terme. «On a vu dans l’étude que pour certains fumeurs, il y a eu un retour à la normale après le confinement, mais il y a un risque aussi pour certains qui ont pu augmenter leur consommation de garder ces habitudes. Dans les prochaines études que l’on va mener, on pourra voir si ces comportements délétères subsistent ou pas. Pour l’instant c’est difficile à déterminer, nous n’avons pas assez de recul là-dessus.»
La cigarette concurrencée
Autre évolution visible : la cigarette n’est plus le seul étendard des ventes de tabac. Si l’achat de cigarettes a diminué en France en 2020, poursuivant une baisse globale qui date de plusieurs décennies, ce n’est pas forcément le cas des autres formes de tabac. Dans un rapport, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies explique que «les ventes des autres types de tabac (cigares, cigarillos, tabac à pipe, tabac à priser et à mâcher, etc.) continuent elles aussi de progresser fortement et représentent désormais 5 % des volumes. La hausse est de 17,4 % à jours constants en 2020 (alors que les ventes avaient reculé de 23 % entre 2010 et 2017)». Une augmentation liée à des campagnes marketing visant les plus jeunes, notamment sur les réseaux sociaux. «Les jeunes essayent toujours les nouveautés, c’est une phase d’expérimentation», explique Anne-Laurence Le Faou. «Il faut surtout se pencher sur la cigarette électronique car on s’aperçoit que dans beaucoup de pays, cela peut être un facteur d’entrée dans le tabac. Dans les études françaises, ce n’est pas retrouvé mais cela incite à être très vigilant».
Surtout, l’OFDT pointe la hausse des ventes de tabac à rouler l’année dernière (+11,5% sur un an) notamment pendant les deuxième et quatrième trimestres de 2020, soit pendant les périodes de confinement. Pour l’OFDT, il faut s’attendre à ce que la hausse des ventes de tabac à rouler puisse continuer, du fait d’un prix plus faible que celui des cigarettes.
Source: Le Figaro