Baisse du prix du tabac : tendance ou stratégie marketing ?

Au 1er septembre, le prix de certaines marques de cigarettes a baissé de quelques centimes. Impulsé par les industries du tabac, il ne s’agit pas d’une tendance globale.

À la baisse, le prix des cigarettes ? Alors qu’en novembre 2020, conformément à la stratégie gouvernementale de lutte contre le tabagisme, le prix d’un paquet de cigarettes avait atteint le seuil symbolique des 10 €, certaines marques viennent en effet de faire le chemin inverse, baissant leur tarif de 10 ou 20 centimes. Et ainsi de repasser sous les 10 €.

► Est-ce la première fois que le prix des cigarettes baisse ?

« Ce ne sont pas des variations décidées par les autorités sanitaires ou fiscales, mais une démarche des industriels pour contourner l’augmentation régulière des prix », insiste Loïc Josseran, président de l’Alliance contre le tabac, pour qui la méthode n’est pas inconnue. Selon le professeur de santé publique à l’université de Versailles Saint-Quentin, les industries l’ont toujours utilisée, « notamment pour retarder le passage à 10 € du paquet ».

Décomposé, le prix d’un paquet de cigarette correspond à la somme de la part du fabricant (environ 0,60 centime), de la marge du buraliste (environ 1 €) et des taxes applicables. C’est sur ce dernier point, entre autres, que vont jouer les politiques publiques pour lutter contre le tabagisme. « Il faut que les taxes fassent augmenter le prix de 6 % à 10 % pour qu’il y ait un réel impact sur le consommateur », explique François Topart, porte-parole du Comité National contre le Tabagisme (CNCT), qui rappelle que « la hausse régulière des taxes reste le moyen le plus efficace et rentable pour faire baisser la consommation ».

► Pourquoi les cigarettiers ont-ils baissé le prix de certains paquets ?

« Quand le gouvernement a une stratégie fiscale à la hausse, l’industrie peut renoncer à une partie de sa marge si cela lui semble profitable dans sa stratégie commerciale », souligne Marc-Antoine Douchet, chargé d’étude au sein de l’Observatoire français de drogue et toxicomanie.

En agissant ainsi, les industries du tabac cherchent à compenser la hausse des prix. « Faire passer à nouveau des paquets de 20 cigarettes sous les 10 €, c’est très significatif pour certains clients », estime François Topard. Les baisses (entre 10 et 20 centimes) sont appliquées sur les produits « les moins chers », ce qui permet d’enclencher un effet d’appel, de « continuer à attirer des jeunes ou maintenir les consommateurs dans le tabagisme, notamment ceux que l’augmentation des prix fait réfléchir », soutient Loïc Josserand.

► Est-ce que cela peut entraîner une hausse de la consommation ?

Après une forte baisse du nombre de fumeurs entre 2016 et 2018, « la consommation s’est stabilisée autour d’un quart de la population », rappelle Marc-Antoine Douchet. Mais pour lui, difficile de dire si cette légère baisse des prix entraînera un changement d’usage ou de consommation.

« Le prix est un facteur décisif sur la consommation de tabac », soulève François Topart, dont les « premières victimes sont les catégories les plus pauvres et les jeunes ». Si le porte-parole du CNCT craint effectivement une reprise de la consommation, c’est surtout en raison de la stagnation des prix, la dernière augmentation datant de novembre 2020. « Sans hausse régulière et significative, les risques d’une reprise sont assez forts. »

Globalement, les prix sont à la hausse depuis plusieurs années, et la baisse de cette rentrée 2021 ne doit pas être considérée comme une tendance générale. « On ne peut pas dire qu’il y a une évolution notable, c’est vraiment lié à une stratégie commerciale », considère Marc-Antoine Douchet.

Source: La Croix


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