E-cigarette : Les gros mensonges de l’industrie du tabac

Dans sa conquête de nouveaux fumeurs, l’industrie du tabac a déroulé subtilement une campagne publicitaire d’un nouveau produit électronique du tabac dénommé IQOS. Un produit jugé moins nocif par les firmes du tabac. Mieux, l’industrie du tabac prétextant avoir obtenu le feu vert des autorités américaines à travers la Food and Drug Administration (Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux), veut appâter les dirigeants des pays africains et les nouveaux fumeurs en vantant son produit d’être une ‘’trouvaille historique’’. Le constat est clair, l’industrie du tabac en se basant sur ces études veut inonder le marché africain et toucher le maximum de jeunes avec ses nouveaux produits dits moins-nocifs. Pour Tall Lacina, Président du Réseau des ONGs Actives pour le Contrôle du Tabac en Côte d’Ivoire (ROCTA-CI), il est anormal qu’au nom d’une étude dite américaine, on laisse l’industrie du tabac déverser sur le marché international, particulièrement en Afrique, ses nouveaux produits alors que les États-Unis n’ont pas ratifié la Convention cadre de la lutte anti-tabac de l’OMS. Conséquence, les États-Unis ne sont pas tenus de se conformer aux recommandations standards en matière de la lutte anti-tabac. Selon Dr. Boli Francis, Chercheur à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody à Abidjan, il est crucial de recadrer rapidement l’industrie du tabac dans sa course à la manipulation. “il n’y a pas de produit de tabac moins dangereux. Les e-cigarettes, la chicha, la cigarette sont tous dangereux parce que addictifs. Comme illustration, retenez que 1Kg de pierre est égal à 1kg de coton”, soutient le Secrétaire exécutif du ROCTACI. Avant de prévenir: “ Il faut agir maintenant pour freiner l’industrie du tabac car tout ce qui est nouveau attire la curiosité des jeunes. Quand on sait que les adolescents cherchent de plus en plus à s’affirmer et à prouver qu’ils sont dans la tendance des produits émergents”, prévient le Secrétaire exécutif du ROCTACI.

Les Inquiétudes du Ministère de la santé et de l’OMS Côte d’Ivoire
Selon Dr. Koffi Nestor Chef de service Information, Éducation et Communication au Programme National de Lutte contre le Tabagisme et les autres Addictions (PNLTA), l’industrie du tabac reste fidèle à sa technique de manipulation et d’interférence dans la lutte. « A l’origine, les cigarettes électroniques ont été inventées pour régler le problème de la dépendance physique du tabagisme. Cette cigarette dite électronique était censée contenir de la nicotine à faible dose. Malheureusement, l’industrie du tabac a utilisé cette invention en sa faveur en augmentant la dose de nicotine. En somme, les e-cigarettes comme la chicha sont des appâts pour les jeunes car rien n’est fait au hasard par l’industrie du tabac. », déplore Dr. Koffi Nestor.

Avant de reconnaître: “ Le combat est complexe car les produits du tabac ne sont pas illicites comme la drogue. En plus, quand les acteurs de la lutte font un pas, les fabricants du tabac observent et font plusieurs pas. Puisque l’industrie du tabac s’ingère dans le processus de réglementation en proposant des mesures “passoires” vidées de leur substance. Ces industriels du tabac désinforment et manipulent l’opinion publique pour se donner l’apparence de la respectabilité et de titre d’entreprises à responsabilité sociale”, dénonce Dr. Koffi Nestor. A la Représentation de l’OMS en Côte d’Ivoire, on se dit préoccupé par la montée en puissance des nouveaux produits du tabac et le jeu de manipulation accru des firmes du tabac. “Les nouveaux produits du tabac se révèlent être attrayants pour les jeunes, cela nous inquiète. Contrairement aux arguments de l’industrie du tabac, pour nous, il n’y a pas de seuil en dessous duquel l’exposition à la fumée du tabac ou des produits émergents du tabac serait sans danger. D’ailleurs la notion de “moins-nocif” employée par l’industrie a été démentie par des données scientifiques en notre possession”, a déclaré Koné Souleymane, Chargé de communication et point focal de la lute anti-tabac à l’OMS Côte d’Ivoire, le 13 octobre en marge d’une activité de lute anti-tabac dans la Commune de Cocody à Abidjan.

Une étude révèle les manipulations des firmes du tabac
Dans une étude rendue publique, the Bureau of investigative journalism a mis à nu les agissements de l’industrie du tabac relativement à la toxicité des produits IQOS. Cette étude du consortium de journalistes révèle que la quantité de nicotine contenue dans les mini-cigarettes de tabac chauffé utilisé avec le dispositif IQOS de Philip Morris International est 8 fois supérieure à celle indiquée par le fabricant et que l’usager inhale 2 fois plus de nicotine que signalé par ce dernier. On le voit, les firmes du tabac sont fidèles à leur stratégie de manipulation des données scientifiques. Une stratégie qui est sue des érudits de la lutte anti-tabac. Selon plusieurs experts, l’industrie du tabac trompe les états et les consommateurs en dissimulant la teneur en nicotine inhalée contenue dans ses nouveaux produits. Une affirmation confirmée par le Comité national contre le tabagisme (CNCT) en France. En effet, en 2018, le CNCT avait déposé une plainte contre les quatre principaux fabricants de tabac pour manipulation de leurs produits, en particulier les filtres, en vue de falsifier les tests requis par les autorités sanitaires relatifs aux goudron, monoxyde de carbone et nicotine. Le CNCT avait accusé les fabricants de tabac de modifier secrètement les propriétés techniques des cigarettes afin de tromper les laboratoires agréés en charge de mener les tests requis par le Code de santé publique, devant mesurer les taux de goudron, de nicotine, et de monoxyde de carbone contenus dans les émissions des cigarettes fumées. « La teneur réelle en goudron et nicotine inhalée par les fumeurs de cigarette classique peut être entre 2 et 10 fois supérieure pour le goudron et 5 fois supérieure pour la nicotine aux teneurs annoncées par les industriels. Aussi, les fumeurs qui pensent fumer un paquet par jour en fument, en fait l’équivalent de deux à dix », révèle la note de la CNTCT, rélayée par plusieurs médias.

L’industrie du tabac en roue libre en Côte d’Ivoire
“Nous sommes conscients qu’il nous faut absolument disposer d’un laboratoire bien équipé pour jauger la toxicité des produits du tabac. Sinon on sera victime des fausses données de l’industrie du tabac”, avait reconnu Dr. Ernest Zotoua, Directeur Coordonnateur du Programme national de lutte contre le Tabagisme et les autre Addictions lors d’un atelier de formation le 9 août 2022 . Outre ce fait, l’industrie du tabac profite de la non-application de la loi anti-tabac et de la lenteur dans la prise de certains textes d’application relatifs à la loi anti-tabac pour encourager la commercialisation et l’usage des e-cigarettes dans la capitale Abidjanaise et dans plusieurs villes de l’Intérieur du pays. A preuve, des grandes surfaces, des sites d’information et de vente en ligne font la promotion des produits émergents du tabac en toute tranquillité. Le bureau pays de l’OMS en Côte d’Ivoire inquiet tire la sonnette d’alarme en indiquant qu’à la faveur de la crise à Covid 19 qui a provoqué un relâchement dans les efforts de sensibilisation, la consommation du tabac sous toutes ses formes a explosé dans les espaces publics (glacier, restaurants…). Cela, en violation à la mesure d’interdiction de fumer dans les lieux publics et les transports en commun. Pour stopper l’hémorragie, l’agence onusienne a procédé au lancement du projet d’ “Appui à la mise en œuvre des mesures d’interdiction totale de fumer dans les espaces publics à Abidjan”. Un projet lancé le 13 octobre 2022 et financé par l’OMS pour une durée d’une année.

Malgré ces initiatives, l’industrie du tabac gagne du terrain et vend bien tous ses produits. L’une des firmes du tabac annonce même une hausse de son chiffre d’affaire en Côte d’Ivoire. “La Société ivoirienne des tabacs (SITAB), filiale du Britannique Imperial Brands, a vendu 3,2 millions de tiges de cigarettes au premier semestre 2022, contre 2,9 millions à la même période en 2021, soit une hausse de 8,54%, indique un rapport de l’entreprise relayé par les ONGs de lutte anti-tabac le 06 octobre 2022.

Des journalistes embarqués dans le jeu de l’industrie du tabac
La promotion des e-cigarettes avait été pensée avant même l’adoption de la loi anti-tabac ivoirienne en 2019. En effet, dans sa stratégie de manipulation et de désinformation, Philip Morris International, par l’intermédiaire d’une organisation non-gouvernementale avait invité des journalistes ivoiriens à un atelier de 3 jours sur les enjeux du tabagisme en Côte d’Ivoire à Grand- Bassam (ville balnéaire située au sud de la Côte d’Ivoire). Selon un participant à cet atelier, à la vérité, c’était juste un prétexte pour embarquer des journalistes dans la promotion des e-cigarettes et d’autres nouveaux produits du tabac. “C’était le 8 juillet 2016, lorsque nous avons reçu une demande de participation à un atelier de formation. A priori, il s’agissait d’échanger avec une ONG sur la santé des ivoiriens. A notre grande surprise, on se retrouve devant les industriels du tabac particulièrement des agents de Philip Morris International . On a tout suite compris que l’ONG était juste un camouflage pour inviter les journalistes à cet atelier. Les conférenciers nous ont expliqué dès le premier jour que les e-cigarettes étaient novatrices et moins-nocives pour le fumeur”, relate Bertin Mambo, journaliste au media en ligne Linfodromme dans un entretien réalisé le 19 octobre 2022. Avant d’ajouter: “J’ai pas terminé cet atelier comme les autres journalistes car je savais que c’était juste la désinformation vu que je suis membre d’un réseau de journalistes engagés dans la lutte anti-tabac en Côte d’Ivoire. J’ai porté l’information aux ONGs de lutte anti-tabac et au Programme nationale de lutte anti-tabac”, témoigne Bertin Mambo. Ce cas n’est pas isolé car, de plus en plus des médias en ligne et des comptes Facebook à forte audience continuent en toute impunité de faire la promotion des produits du tabac sous toutes ses formes en violation flagrante à l’article 13 de la Convention cadre de l’OMS pour la lute anti-tabac (CCLAT) et à l’article 14 de la loi anti-tabac ivoirienne. La libéralisation du paysage audiovisuel en Côte d’Ivoire depuis 2019 a accentué cette violation des textes réglementaires sur la publicité des produits du tabac. Car, de plus en plus, des animateurs exhibent des scènes tabagiques dans des émissions très suivies par les jeunes. Pour se faire entendre, des ONGs engagées dans la lutte anti-tabac et l’Union générale des consommateurs de Côte d’Ivoire (UGCCI), ont décidé en août dernier de saisir le procureur de la République et de porter plainte contre le PDG de « Life TV »( une chaine privée) pour propagande de scène tabagique et alcoolique. Une démarche de la société civile qui s’apparente juste à un symbole dans cette lutte ou l’industrie du tabac tire toujours les ficelles.

Dimitri Agoutsi

Source: https://satelliteinfos.net/


Donate

$