La mention « nicotine sans tabac » altère la perception sur la dépendance de ces produits
Aux Etats-Unis, des fabricants de cigarettes électroniques et de sachets de nicotine ont modifié les avertissements sanitaires de ces produits en indiquant que leur nicotine est « sans tabac ». Une étude montre que cette mention induirait globalement une perception de moindre dépendance de ces produits, et qu’elle augmenterait l’intention d’usage chez les publics les plus vulnérables.
Aux Etats-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) impose aux fabricants de produits du tabac et de la nicotine (hors cigares et tabac à pipe) d’apposer un avertissement sanitaire sur ces produits. Cet avertissement doit stipuler : « Ce produit contient de la nicotine. La nicotine est un produit chimique addictif. »
Certains fabricants commercialisant des produits à base de nicotine de synthèse ont modifié cette formule, en indiquant « Ce produit contient de la nicotine sans tabac. » Il s’agit donc d’une dénaturation de l’avertissement, qui ne respecte pas la formulation obligatoire prescrite par la FDA. Une équipe de chercheurs de l’école de médecine et de l’université de Yale a testé l’impact de cette mention modifiée sur les perceptions des usagers et des non-usagers de produits du tabac et de la nicotine[1].
Mise en parallèle des deux avertissements sanitaires
A partir d’une étude en ligne portant sur 4277 participants, les chercheurs ont sélectionné 1000 participants pour leur analyse. Parmi ceux-ci, on comptait 20 % de non-usagers de produits du tabac et de la nicotine et 80 % d’usagers. Les produits habituellement consommés par ces derniers étaient des cigarettes classiques, des cigarettes électroniques, des produits du tabac non fumés et des sachets de nicotine (« nicotine pouches »).
Après recueil des informations sur leurs consommations et leur profil, les participants se voyaient proposer aléatoirement l’avertissement sanitaire de la FDA et celui modifié par les fabricants de produits de la nicotine. Ils devaient d’abord indiquer le libellé qui leur paraissait davantage évoquer l’addictivité du produit, puis déclarer si cette mention leur donnait envie d’acheter ce produit.
La nouvelle mention évoque globalement des produits moins addictifs
Les résultats font apparaître que la mention « nicotine sans tabac » évoquait globalement une moindre addictivité du produit, sans pour autant inciter à acheter ce produit. La perception d’une moindre addictivité du produit était deux fois plus importante chez les participants noirs et asiatiques que chez les participants blancs ou d’autres minorités ethniques. La perception d’une moindre nocivité du produit était par ailleurs plus importante chez les participants mineurs et chez les utilisateurs exclusifs de produits du tabac. Les participants asiatiques étaient également ceux qui déclaraient une plus forte intention d’achat d’un produit portant cet avertissement que les autres catégories de participants.
Les auteurs de l’étude attirent donc l’attention sur les modifications de perception des produits présentés avec une nicotine « sans tabac », plus spécialement parmi certaines populations pouvant être plus vulnérable (minorités ethniques, mineurs). Ils invitent à davantage de recherches sur l’impact de ce type de libellé sur ces catégories particulières de population, et à vérifier en situation réelle s’il a une véritable influence sur les comportements d’achat et d’usage. Ils rappellent également qu’aucune preuve scientifique ne permet de dire qu’une nicotine de synthèse serait moins nocive ou moins addictive qu’une nicotine provenant du tabac.
Ces auteurs regrettent le manque de représentativité de leur étude, mais appellent la FDA et les pouvoirs publics à faire respecter l’apposition par les fabricants des avertissements sanitaires définis. Les auteurs signalent d’autre part que des dénaturations similaires d’avertissements ont été repérées sur le site européen de Puff Bar, notamment pour les références Puff Plus et Puff Flow[2]. La mention « nicotine sans tabac » y est utilisée dans certains cas, alors que le site ne fait aucune référence à la nicotine de synthèse. Le consommateur est ainsi laissé dans le flou à toutes les interprétations
Source: Génération sans tabac