Amériques : l’industrie reste un frein à la lutte contre le tabagisme

Un numéro spécial de la revue Tobacco Control est consacré à la lutte contre le tabagisme dans les Amériques. Un des articles de ce numéro fait le point sur les avancées en la matière sur le continent et observe quelques progrès significatifs, même si de nombreux efforts restent à engager pour contrer le lobby du tabac.

Regroupés au sein de la Pan American Health Organization (PAHO), les 35 pays du continent américain unissent régionalement leurs efforts pour lutter contre les différentes maladies non transmissibles. Après un constat d’essoufflement en 2017, la lutte contre le tabagisme a été réaffirmée comme un objectif prioritaire à travers le Plan d’action 2018-2022 pour renforcer le contrôle du tabac dans la région des Amériques.

S’appuyant sur les rapports 2015, 2017 et 2019 de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) sur l’épidémie globale de tabagisme, un article fait le point sur la situation des pays américains sur ce sujet[1].

Plus de lieux non-fumeurs et d’avertissements sanitaires
Parmi les principales avancées observées en 2020, la généralisation des lieux clos non-fumeurs, dans les bâtiments publics, les lieux de travail et les transports en commun, est à présent actée dans 22 pays, couvrant environ la moitié de la population du continent. L’autre mesure la plus répandue est l’apposition de larges avertissements sanitaires sur les produits du tabac (au moins 50 % de la surface), implantée dans 21 pays représentant un peu plus de la moitié de la population.

Les objectifs fixés pour 2022 en matière d’interdiction totale de la publicité, de la promotion et du parrainage des produits du tabac ne sont en revanche appliqués que dans huit pays (30 % de la population régionale), et dans une proportion identique pour l’interdiction des étals de produits du tabac dans les points de vente. L’établissement de taux de taxation des produits du tabac à 75 % ou plus n’était effective que dans cinq pays (32 % de la population) et reste l’un des principaux chantiers à mettre en œuvre pour financer les soins et la prévention du tabagisme. Onze pays (22,5 % de la population) ont néanmoins adopté, entre 2014 et 2018, des augmentations des droits d’accises sur le tabac d’au moins 10 %.

De fortes disparités selon les sous-régions
Cette situation globale cache cependant de fortes disparités sur le continent. La sous-région des Caraïbes non-hispanophones continue ainsi d’accuser un retard conséquent sur l’application des mesures contenues dans la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT), mais a significativement progressé sur les plans des lieux non-fumeurs, des avertissements sanitaires et de l’interdiction totale de la publicité. La mise en œuvre des six mesures MPOWER de l’OMS sur les bonnes pratiques a permis, au Brésil, de réduire la prévalence tabagique de 15,6 % en 2007 à 9,8 % en 2019. L’interdiction de fumer dans les lieux clos est diffusée dans toute l’Amérique du Sud, mais reste encore partielle dans la pratique et est peu répandue en Amérique Centrale. Le paquet neutre standardisé pour les produits de tabac n’est en revanche appliqué qu’au Canada et en Uruguay, ce dernier étant récemment en passe de réviser sa position.

Le frein permanent de l’industrie du tabac
Dans tous les pays, les interférences de l’industrie du tabac étaient les principaux obstacles destinés à empêcher l’adoption ou la mise en place des mesures envisagées, qu’il s’agisse de publicité, d’avertissements sanitaires, de paquet neutre ou de taxation. La période de pandémie de COVID-19 a notamment été marquée par d’importantes offensives de cette industrie, sur les plans de la publicité et des tentatives d’ingérences dans les politiques publiques. La menace d’une augmentation du commerce illicite, brandie par l’industrie en cas d’élévation des taxes sur les produits du tabac, est néanmoins contredite par les études indépendantes réalisées, dans la région Amériques comme dans d’autres dans le monde. Le Protocole pour l’élimination du commerce illicite des produits du tabac paraît ici le rempart le plus utile, mais n’a été ratifié que par six pays de la région.

Les auteurs regrettent l’absence d’instruments pour limiter les interférences de cette industrie, et suggèrent d’établir des outils législatifs pour se prémunir des conflits d’intérêts. Ils préconisent, afin de mieux mettre en œuvre les dispositions de la CCLAT, de multiplier les échanges entre les différents ministères d’un pays, et entre les différents pays du Sud pour la transmission des bonnes pratiques.

Au final, ce bilan qui semble en demi-teinte ne devrait permettre que d’atteindre partiellement les objectifs du Plan d’action en 2022. Il contient néanmoins d’importants progrès, qui montrent, avec l’exemple du Brésil, que le déploiement des mesures de la CCLAT permet d’obtenir d’importants résultats concrets, à l’inverse de ce que prétend l’industrie du tabac.

Source: Generation sans tabac


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