L’industrie du tabac alimente les croyances sur la contrebande de cigarettes en Europe
Pour tenter d’influer sur la prochaine directive européenne sur les produits du tabac (TPD) et tenter d’enrayer les hausses de taxes, les industriels dénoncent le système européen de traçabilité des produits du tabac, tandis que Philip Morris publie un sondage européen sur le thème de la contrebande.
Dans un article d’Euractiv subventionné par Philip Morris International (PMI), Peter Van Der Mark, le secrétaire général de la European Smoking Tobacco Association (ESTA), marque son opposition au système européen de lutte contre le commerce illicite[1]. Il met en cause une réponse de Stella Kyriakides, la commissaire européenne à la santé, à une question parlementaire sur le système de traçabilité des produits du tabac, où elle a déclaré que « Le système collecte des informations se rapportant uniquement à la chaîne d’approvisionnement légale de produits du tabac incluant les cigarettes et le tabac à rouler, qui sont les deux seules catégories de produits du tabac couvertes par le système. Le système ne fournit aucune information sur le commerce illicite de ces produits. »
Polémique autour du système de traçabilité européen
Selon Peter Van Der Mark, le système de traçabilité européen, opérationnel depuis mai 2019, ne permettrait donc pas de lutter contre le commerce illicite, qui serait en forte croissance. Son principal argument pour justifier cette croissance se fonde sur un rapport du cabinet KPMG sur le commerce illicite, dont la méthodologie est pourtant sujette à caution, KPMG indiquant ne pas « avoir cherché à établir la fiabilité des sources d’information ». Ce rapport se base en effet sur des collectes de paquets ramassés au sol, puis confiés aux industriels du tabac pour identification, ce qui n’offre aucune garantie d’indépendance.
Un officiel européen a de son côté réaffirmé que ce système de traçabilité permet bien une observation indirecte de l’activité clandestine, en identifiant les irrégularités des mouvements de produits du tabac et en déterminant à quel moment ceux-ci sortent du circuit légal.
La hausse des taxes ciblée par l’industrie du tabac
En tant que représentant des industriels du tabac, Peter Van Der Mark prétend que l’augmentation du commerce illicite serait corrélée à l’élévation des droits d’accises, notamment en France et en Irlande. Il propose de prendre exemple sur les pays favorables à l’industrie du tabac, comme l’Allemagne ou l’Italie, où les taxes sur les produits du tabac restent basses.Le protocole de lutte contre le commerce illicite des produits du tabac élaboré en lien avec le traité de l’OMS, la CCLAT, a pour sa part montré que le commerce illicite tient à de multiples ressorts, comme le manque de contrôle de la chaîne d’approvisionnement des produits du tabac de la fabrication jusqu’à la distribution en prenant en compte les facteurs de production. L’exemple du Royaume-Uni, où les prix sont très élevés mais les contrôles aux frontières stricts et la contrebande peu importante, est ainsi un parfait contre-exemple des assertions de l’industrie du tabac. Inversement des pays où la contrebande est élevée connaissent des niveaux relativement faibles de taxes comme la Bulgarie.
Un sondage tendancieux de PMI sur la contrebande
L’article d’Euractiv fait également référence aux résultats d’une enquête réalisée en ligne par Povaddo pour Philip Morris International (PMI) dans 13 pays européens auprès de 13 000 personnes. Ce sondage, conduit en France auprès de 1065 personnes, comporte non seulement les biais des études en ligne en termes de représentativité, mais aussi des formulations peu à l’avantage des institutions européennes (Q5a : « L’union Européenne prend souvent des décisions sans considérer les potentielles conséquences inattendues »).
Présentée le 4 avril à Paris dans les locaux du Hub Institute, un think tank financé par PMI, cette enquête rapporte que 83 % des personnes interrogées en France estiment que la hausse des taxes serait responsable de la contrebande[2], un chiffre nettement supérieur à celui observé dans les autres pays européens. On peut y voir le fruit d’une intense propagande de l’industrie du tabac, toujours basée sur le rapport annuel de KPMG et colportée sans questionnement par la plupart des médias[3]. En novembre 2022, Philip Morris France avait orchestré une campagne d’affichage sur ce thème, associant contrebande et hausse des taxes.
Source: Génération Sans Tabac