35 associations africaines demandent l’exclusion de Philip Morris de la Semaine africaine du commerce et des douanes
35 organisations issues de 23 pays africains ont dénoncé la participation du fabricant Philip Morris International (PMI) au sommet « Africa Trade & Customs week 2022 ». Elles ont demandé le retrait de la multinationale du tabac de tous ses engagements liés au sommet qui doit se tenir du 7 au 9 novembre 2022 à Sandton, Johannesburg, en Afrique du Sud[1].
La semaine africaine du commerce et des douanes rassemblera des experts de renommée mondiale et des décideurs de haut niveau issus d’agences multilatérales, de divers ministères et agences gouvernementales et d’organisations du secteur privé de tout secteur d’activité. Sur le site internet de l’événement, Alessandro Maria Poggiali, vice-président Corporate Affairs pour le Moyen-Orient, l’Afrique et pour le Duty-Free de Philip Morris International (PMI), est indiqué comme intervenant à la rencontre sur la thématique « Accès au marché pour les marchandises entrant et sortant d’Afrique », aux côtés du directeur du COMESA, du vice-président de l’entreprise française Bureau Veritas et du directeur général des opérations de l’entreprise africaine AeTrade Group.
Dans une pétition commune datée du 21 octobre 2022, les organisations notent leur préoccupation de la présence du cigarettier laquelle constitue une violation de la Convention-cadre pour la lutte antitabac de l’Organisation mondiale de la santé (CCLAT de l’OMS). Il s’agit également d’une violation de la législation sud-africaine actuelle sur la lutte antitabac, à savoir la loi 83 de 1993 sur le contrôle des produits du tabac.
Une participation contraire aux engagements de l’Afrique du Sud
La pétition indique qu’en tant que partie à la CCLAT, l’Afrique du Sud est tenue de respecter l’article 5.3 de traité, qui souligne que les politiques publiques ne doivent pas être « influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac ». Des directives d’application précises concernant cette obligation prévoient notamment que les relations des pouvoirs publics avec des représentants de l’industrie du tabac doivent être limitées au strict nécessaire pour la réglementation des produits du tabac et de son industrie et lorsque ces interactions existent, elles doivent intervenir dans la transparence. Cette pétition rappelle également la législation actuelle de l’Afrique du Sud qui indique que « Aucun fabricant, importateur, distributeur ou détaillant de produits du tabac ne doit organiser ou promouvoir une activité organisée, devant se dérouler en totalité ou en partie dans la République, ni apporter une contribution financière à une activité organisée devant se dérouler, se déroulant ou s’étant déroulée en totalité ou en partie dans la République ».
La tentative de Philip Morris de s’inviter aux tables des discussions
Cette participation de PMI au sommet africain se produit au moment où le projet de loi sud-africain de lutte contre le tabagisme et de réglementation des produits de la nicotine est en passe d’être soumis au Parlement pour être voté. Ce dernier suscite de fortes oppositions de la part de l’industrie du tabac. Les 35 organisations soupçonnent que la décision de Philip Morris International de parrainer un sommet aussi important est une stratégie visant à obtenir l’accès à des responsables politiques du secteur de la fiscalité afin d’influencer la politique du gouvernement.
Les organisations ont appelé l’Afrique du Sud à assurer plutôt la mise en œuvre effective du Protocole pour l’élimination du commerce illicite des produits du tabac, qui prévoit des mesures pour suivre et tracer efficacement les mouvements des produits du tabac au sein du pays et au-delà des frontières du pays. L’Afrique du Sud n’a pas progressé dans la mise en œuvre du protocole qu’elle a signé en 2013.
L’Afrique du Sud est l’un des 10 pays les plus exposés au risque d’interférence de l’industrie du tabac et, selon le dernier rapport mondial d’interférence de l’industrie du tabac[2], publié fin 2021, la situation en Afrique du Sud continue à se détériorer en matière de lutte contre le lobby de l’industrie du tabac. Le rapport dénonçait plus particulièrement l’existence de relations non nécessaires entre les membres du gouvernement et l’industrie du tabac.
La nécessaire mobilisation des acteurs de santé dans le monde pour évincer l’industrie du tabac
Philip Morris a été exclu de plusieurs rencontres nationales et internationales ces dernières années grâce à la mobilisation rapide des différents acteurs en santé publique. En septembre dernier, Philip Morris avait été évincé de la 7e conférence sur la tuberculose sud-africaine[3] suite à la rapide mobilisation de plusieurs acteurs dont l’OMS et la fondation Bill et Melinda Gates qui avaient alors refusé de participer à l’événement si la présence du cigarettier était maintenue. En mai 2021[4], La participation de Philip Morris au dixième anniversaire des Dialogues de l’Inclusion et de la RSE avait également été annulée, suite à la mobilisation des acteurs de santé publique en France et à l’international. Un mois plus tôt[5], Philip Morris avait été évincé de la 26e Conférence internationale sur l’avenir de l’Asie (à Nikkei au Japon) – un rassemblement mondial où des dirigeants et des universitaires de premier plan se réunissent pour discuter des problèmes régionaux et de la position de l’Asie dans le monde – suite à la mobilisation internationale de plusieurs organismes en santé publique.
La participation du cigarettier à ces rencontres fait partie de la stratégie du cigarettier pour réhabiliter son image. L’optique finale est de parvenir à influencer les institutions internationales et les élites politiques dans un sens favorable à ses intérêts. En cherchant ces opportunités, l’industrie du tabac s’emploie activement à saper les efforts de la CCLAT de l’OMS permettant de réduire la consommation de tabac.
Source: Générations sans tabac