La Malaisie songe à interdire le tabac aux jeunes nés après 2005
Les parlementaires malaisiens étudient un projet de loi ambitieux : interdire la vente de tabac et de cigarettes électroniques aux personnes nées en 2005 ou après. Pour ses opposants, une telle interdiction générationnelle serait difficile à mettre en pratique et contraire à la liberté de chacun, quand ses défenseurs, eux, sortent leur calculette pour démontrer le coût du tabagisme dans de nombreux domaines de la société malaisienne.
En février dernier, devant un institut national du cancer des plus enthousiastes face à son projet de loi, le ministre de la Santé malaisien Khairy Jamaluddin ne se reposait pas pour autant sur ses lauriers et annonçait une bataille qui serait sans doute difficile : « l’opposition que nous devrons affronter est énorme, le lobby du tabac est bien organisé, fortuné, il nous dira que cela va profiter au marché noir, que l’application d’une telle loi sera difficile. Il vous dira que les gens ont la liberté de choisir. Bien sûr, nous avons déjà des défis dans l’application des lois sur le tabac, bien sûr, il y a de la contrebande, mais cela ne doit pas servir d’excuse pour continuer à vendre une substance aussi cancérigène à nos jeunes. »
Trois milliards d’euros, le coût des maladies liées au tabagisme
Cinq mois plus tard, alors que le projet de loi visant à interdire la vente de tabac et d’e-cigarette à toute personne née en 2005 ou plus tard est discuté au Parlement malaisien, le ministre malaisien semble avoir été doué dans la prémonition, tant les contre-arguments qu’il a pu lister réapparaissent dans les bouches des députés de l’opposition, comme Syed Saddiq, qui assurait par exemple : « Une interdiction générationnelle limitera et empêchera des individus de participer activement à la consommation de tabac. Certains pourraient même arguer que le droit de fumer peut être interprété comme un droit à la liberté… » Ou encore la députée Maria Chin qui notait : « Je ne vois pas comment les jeunes ou la prochaine génération arrêteront de fumer si la contrebande de cigarettes et de tabac n’est pas plus réprimée. »
Du côté des promoteurs de cette loi, les calculettes sont elles souvent sorties pour dresser le bilan néfaste du tabagisme, pas seulement coûteux en vie humaine, mais aussi en espèces sonnantes et trébuchantes, rappelle le pneumologue Helmy Haja Mydin qui a travaillé sur le projet de loi. « Les bénéfices que se fait le ministre de la Finance sur les taxes du tabac ne s’élèvent qu’à 660 millions d’euros, rapporte-t-il, tandis que les coûts des maladies liées au tabagisme pour le ministre de la Santé s’élèvent eux à plus de 3 milliards d’euros, et lorsqu’on regarde enfin ce que le tabagisme nous coûte en termes de perte de productivité, on arrive à 60 milliards chaque année. »
Les plus précaires souffrent le plus de tabagisme passif
Les plus vulnérables face au tabac, enfin, sont aussi les plus précaires. C’est la population visée par l’industrie du tabac, elle est aussi moins au fait des problèmes de santé publique, et plus éloignée de la prévention comme de la prise en charge. Même si celle-ci est gratuite en Malaisie, il faut prendre sur son temps de travail, parfois parcourir une distance importante. Et puis, les plus précaires sont aussi souvent ceux qui souffrent le plus de tabagisme passif en vivant ou travaillant dans des lieux plus congestionnés, moins ventilés.
Alors que la Nouvelle-Zélande votait en janvier dernier une interdiction de vendre du tabac aux personnes nées après 2008, la Malaisie se penche, elle, désormais sur une loi plus ambitieuse puisqu’elle inclut également le vapotage, particulièrement populaire chez la jeunesse, note le Dr Helmy. « On retrouve le même genre de marketing que l’on avait dans les années 1950 et 1960, avec sur les réseaux sociaux des pubs où l’on voit des femmes très séduisantes, des discours sur la liberté, une grande variété de choix de parfums et de couleurs », conclut le médecin.
Source: RFI