Le tabagisme tertiaire serait encore plus nocif pour la santé qu’estimé auparavant

Le tabagisme tertiaire serait encore plus nocif pour la santé qu’estimé auparavant

La fumée tertiaire, qui reste piégée dans les cheveux, la peau, les tapis ou encore les murs, subsiste même après que les fumeurs ont éteint leur cigarette. Une étude confirme non seulement que sa quantité peut être particulièrement élevée dans un espace clos, mais aussi que la nicotine qu’elle contient peut interagir avec d’autres substances et former des composés encore plus nocifs par contact cutané.

Si le tabagisme passif, le fait d’inhaler de façon involontaire la fumée dégagée par un ou plusieurs fumeurs, vous dit sûrement quelque chose, est-ce aussi bien le cas pour le tabagisme tertiaire ou ultrapassif ou encore « fumée de troisième main » ? Comme l’explique l’organisme Génération sans Tabac, celui-ci désigne l’exposition dans une pièce ou un véhicule aux produits chimiques de la fumée du tabac qui se sont fixés aux vêtements, aux murs, aux meubles, aux tapis, aux coussins, aux cheveux, à la peau et à d’autres matériaux pendant que la cigarette était fumée et qui sont relâchés dans l’air ambiant au cours des jours et des semaines suivants. De quels produits chimiques parle-t-on ? De fines particules issues de la fumée du tabac, mais aussi des traces de goudrons, de métaux lourds, de dérivés de nitrate. Or, même ces résidus du tabagisme présentent un risque potentiel important pour la santé, comme le rappelle une récente étude publiée par des scientifiques du Lawrence Berkeley National Laboratory.

Leur étude publiée dans la revue Environmental Science & Technologyfait écho aux précédentes découvertes de cette même équipe scientifique, à savoir que la nicotine en aérosol, libérée pendant le tabagisme et le vapotage, pénètre sur les surfaces intérieures, où elle peut interagir avec un composé présent dans l’air intérieur appelé acide nitreux (HONO) pour former des composés fortement cancérigènes appelés nitrosamines spécifiques au tabac (TSNA), des substances cancérigènes. Cette nouvelle étude révèle que la nicotine accumulée sur les surfaces domestiques peut générer en continu des TSNA, longtemps après que la fumée ait été évacué la pièce. « Dans ce nouvel article, nous avons intégré les nouvelles informations produites au cours de la dernière décennie à nos résultats les plus récents, pour estimer les doses quotidiennes auxquelles les personnes peuvent être exposées lorsqu’elles vivent dans des maisons contaminées par la fumée tertiaire. », explique Hugo Detaillats, le principal auteur de l’étude.

Le contact cutané, un risque aussi important que l’inhalation ?

En partant du constat que les TSNA pénètrent dans le corps par de multiples voies, l’étude a consisté à estimer les doses par inhalation et ingestion de poussière. De plus, l’équipe s’est concentrée sur les expositions cutanées, plus difficiles à mesurer, et pour lesquelles il existe beaucoup moins d’informations. Ces expositions cutanées peuvent se produire directement par contact cutané avec de l’air pollué ou une surface contaminée abritant des TSNA, par exemple en dormant sur des draps enfumés. Mais ils peuvent également avoir lieu lors d’un phénomène appelé « chimie épidermique », lorsque la nicotine déjà déposée sur la peau réagit avec l’acide nitreux environnemental pour former des TSNA directement à la surface du corps. « La nicotine est libérée en très grande quantité pendant le tabagisme et elle recouvre toutes les surfaces intérieures, y compris la peau. Nous avons constaté un rendement plus élevé de TSNA en présence d’acide nitreux par rapport aux surfaces propres. », note l’équipe scientifique.

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Les résultats ont par ailleurs mis en avant le fait que trois TSNA différents ont été formés dans cette réaction, dont deux (identifiés par les acronymes NNK et NNN) sont des cancérogènes connus. La dernière étape de l’étude a été de mieux comprendre comment l’un d’eux, le NNK, et la nicotine pénètrent à travers la peau des souris. Il en ressort que « l’analyse des métabolites dans l’urine de souris a montré que, pour les deux composés, le contact cutané direct entraînait l’accumulation et la circulation dans le corps pendant sept jours après l’arrêt de l’exposition cutanée. » Enfin, l’étude a révélé que c’est un effet cumulatif en lien avec l’exposition en continu via plusieurs voies (inhalation, ingestion de poussière, contact cutané direct, dépôt de gaz sur la peau) qui entraîne des doses de NNK pouvant contribuer à un risque élevé de cancer. Les chercheurs mettent donc en garde quant au risque lié aux voies d’exposition cutanée « qui contribuent de manière significative à l’absorption de TSNA. »

« Ces résultats illustrent les impacts potentiels sur la santé de la fumée tertiaire, qui contient non seulement des TSNA mais des centaines d’autres produits chimiques, dont certains sont aussi des cancérigènes connus. Les prochaines étapes de cette recherche exploreront plus en détail les mécanismes des effets néfastes sur la santé associés aux résidus de tabac et la traduction des découvertes scientifiques dans la pratique de la lutte antitabac. », conclut l’équipe scientifique. Dans un article dédié, l’organisme Tabac Info Service met également en garde contre le tabagisme tertiaire et souligne que « fumer dans une autre pièce, sous la hotte ou près d’une fenêtre ouverte ne suffit pas à se débarrasser des substances toxiques qui composent la fumée de tabac. » Celui-ci présente comme particularité d’autant plus dangereuse de persister pendant des années dans les surfaces, et ce même si l’odeur a disparu, sachant que la concentration de substances chimiques dans les surfaces et la durée de leur présence dans ceux-ci dépendent du degré d’absorption des matériaux sur lesquels la fumée s’est collée.

Source: Femina


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