Malgré certains progrès, les pays africains restent perméables au lobby de l’industrie du tabac

Malgré certains progrès, les pays africains restent perméables au lobby de l’industrie du tabac

L’Alliance pour le Contrôle du Tabac en Afrique (ACTA) vient de publier la deuxième édition de l’Indice sur l’ingérence de l’industrie du tabac en Afrique 2023. Celui-ci indique une forte disparité entre les pays africains, dépendant notamment de l’existence d’une loi antitabac dans chaque pays. Parmi les pays étudiés, le Cameroun, la Zambie et la Tanzanie réalisent les moins bons scores face aux ingérences de l’industrie du tabac, tandis que le Bostwana, l’Ethiopie et le Burkina Faso affichent une meilleure protection.

Déclinaison régionale de l’Indice mondial de l’ingérence de l’industrie du tabac[1], l’Indice sur l’ingérence de l’industrie du tabac en Afrique 2023 vient de paraître[2]. Cet indice mesure les réponses apportées ou pas par les pouvoirs publics pour protéger leurs politiques publiques des ingérences de l’industrie du tabac. Il est publié par l’Alliance africaine pour la lutte contre le tabagisme (ATCA), en collaboration avec le Centre africain de surveillance de l’industrie du tabac et de recherche sur les politiques (ATIM) et le Centre mondial pour la bonne gouvernance dans le contrôle du tabac (GGTC).

Cette étude s’inscrit dans le cadre des obligations des pays parties vis-à-vis de la Convention Cadre de l’OMS pour la Lutte Antitabac (CCLAT). Ce traité international, notamment par son article 5.3, vise à protéger les politiques publiques de lutte contre le tabac de l’interférence de l’industrie du tabac. Cette obligation juridiquement contraignante doit être transposée en droit interne avec des dispositions qui s’appuient sur les bonnes pratiques consignées dans les directives d’application de cet article. Il s’agit dont d’un sujet essentiel en ce qui concerne la mise en œuvre effective des mesures antitabac.

Sept indicateurs, issus des directives d’applications de l’article 5.3

L’intérêt de cet indice est notamment d’appuyer les argumentaires des acteurs de la lutte antitabac auprès des décideurs de leur pays, en vue de faire adopter des lois antitabac qui soient à l’abri des intérêts commerciaux de l’industrie. Sept indicateurs ont été établis, qui renvoient directement aux différentes mesures prévues dans les directives d’application de l’article 5.3 :

  • la participation de l’industrie du tabac à l’élaboration des politiques publiques,
  • les interactions inutiles avec l’industrie du tabac,
  • les conflits d’intérêts avec cette industrie,
  • les avantages accordés notamment à travers les accords et les partenariats qui pourraient être noués avec elle,
  • les initiatives de l’industrie du tabac en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE),
  • les mesures préventives adoptées par les pouvoirs publics pour protéger leurs politiques de santé publique de l’ingérence des industriels.

Disparité des situations des pays africains

18 pays africains ont été inclus dans l’édition 2023 de cet indice. En comparaison des scores obtenus en 2021, le Burkina Faso, le Botswana et l’Ethiopie sont les pays où sont observés le plus de progrès. Le Botswana a en effet inclus dans sa loi antitabac une disposition protégeant ses politiques de l’ingérence de l’industrie du tabac. De son côté, Maurice se distingue en étant le premier pays africain à avoir mis en place le paquet neutre standardisé, ainsi que toutes les mesures antitabac promues par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Deux pays, la Côte d’Ivoire et la Zambie, ont connu des progrès plus modestes et un pays (Afrique du sud) est resté inchangé dans ce classement.

Huit pays ont en revanche connu une dégradation de leur situation. Le Cameroun, la Zambie et la Tanzanie sont les pays où l’ingérence des industriels du tabac a été la plus forte. Le Cameroun se distingue notamment pour avoir sans cesse repoussé depuis 2012 l’adoption d’une loi antitabac. Avec la Tanzanie, il est le pays où l’influence de l’industrie du tabac sur le gouvernement est la plus sensible. Le Kenya est le pays dont la notation s’est le plus dégradée depuis 2021.

Des pistes pour tenir l’industrie à l’écart des politiques publiques

Le rapport émet plusieurs recommandations à l’attention des états africains. Il conseille notamment de dénormaliser les activités de RSE de l’industrie du tabac et de maintenir une nécessaire distance avec les industriels du tabac, comme l’exige l’article 5.3 de la CCLAT. Accélérer l’adoption des lois antitabac et ratifier le Protocole pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac permettent d’affirmer la volonté politique d’un pays. Attirer l’attention des acteurs publics sur les agissements de l’industrie et adopter un code de conduite pour limiter les contacts avec les industriels du tabac composent des étapes indispensables. Produire des études sur la consommation des produits du tabac et sur les usages liés aux nouveaux produits du tabac et de la nicotine éclaire sur les orientations à donner aux politiques antitabac. Promouvoir une économie et une agriculture libérées du tabac, établir des partenariats locaux ou régionaux et encourager les actions de la société civile sont enfin autant de conditions à réunir pour tenir à l’écart l’industrie du tabac des politiques publiques.

Source: Génération sans tabac


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