Tabagisme : Le prix est bien le nerf de la guerre dans la lutte contre ce fléau
Alors que le prix du tabac a augmenté de près de 270 % depuis 2000, le gouvernement envisage d’appliquer une nouvelle hausse tarifaire notable en 2024.
Mais c’est surtout la hausse inexorable du prix qui reste la mesure centrale de cette politique. Est-ce payant ? Décryptage.
La loi de la demande
La politique tarifaire du tabac repose sur la loi de la demande. Ce concept économique veut que la quantité demandée d’un bien ou d’un service évolue en sens inverse de son prix.
Dès lors, plus le tarif augmente, plus la demande baisse. Et puisque c’est en l’occurrence l’État qui détermine le prix du tabac, les gouvernements successifs n’ont cessé d’actionner ce levier pour lutter contre le tabagisme.
D’après les données de l’Institut national de la statistique (Insee), le tarif du tabac a en effet augmenté de près de 270 % en France entre 2000 et 2022.
Après deux ans de relative stabilité, le prix du paquet de cigarettes a d’ailleurs à nouveau connu une hausse significative au 1er mai 2023 en passant à 11 € pour de nombreuses marques, contre 10,60 € ou 10,80 € précédemment.
Une efficacité reconnue
Tous les acteurs institutionnels s’accordent à le dire : « Accroître le prix du tabac est une mesure de santé publique efficace car cela entraîne automatiquement une réduction de la consommation », dixit Santé publique France en 2003. C’est en effet « une motivation supplémentaire à l’arrêt » pour les fumeurs, tout en dissuadant ceux qui n’ont pas encore essayé.
En juillet 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’a encore rappelé : « Les taxes sur le tabac sont le moyen le plus efficace de réduire la consommation, en particulier parmi les jeunes et les catégories de population à faible revenu ».
Et justement, en France, la fiscalité représente « plus de 80 % d’un paquet de cigarettes », comme le précise l’Institut pour l’éducation financière du public.
Ainsi, « en deux décennies, les ventes de tabac dans le réseau des buralistes ont diminué de plus de moitié, passant d’environ 92.000 tonnes en 2000 à 40.000 tonnes en 2022 », selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT).
La chute la plus importante a été enregistrée en 2003 (-14 %) et 2004 (-21 %), grâce à des hausses successives de prix accompagnées de mesures de prévention. Mais depuis, la progression est bien moins forte. Pourquoi ?
Trop de petits pas
C’est l’élasticité au prix qui est en cause. Ce terme économique désigne la sensibilité variable des consommateurs au prix pour un produit donné. Or, les études ont démontré que la demande de tabac est peu élastique du fait notamment de l’addiction des acheteurs qui les pousse à continuer à fumer malgré les hausses tarifaires.
L’OMS estime ainsi que « l’adoption d’une taxe entraînant une hausse des prix de 10 % fait reculer la consommation d’environ 4 % ».
Or, les gouvernements français ont bien souvent avancé à petits pas en la matière, comme l’a fustigé un rapport de la Cour des comptes de 2016 indiquant que « ces relèvements de prix ont été, pour les cigarettes, toujours inférieurs au seuil minimal (10 %), estimé nécessaire selon l’ensemble des experts pour pouvoir provoquer une baisse durable des ventes ».
Des hausses plus musclées
Face à ce constat, l’État a musclé les hausses tarifaires depuis 2017, entraînant une chute des volumes de vente (-26,1 % entre 2017 et 2022), selon l’OFDT. Et il ne compte pas s’arrêter là.
Fin août 2023, RMC révélait en effet qu’une nouvelle augmentation significative était à l’étude. D’après le média, « l’exécutif pourrait taper fort au porte-monnaie des fumeurs, avec 1 € de plus, soit 12 € le paquet de cigarettes dès l’année prochaine et une trajectoire à 13 € en 2027. C’est une des hypothèses étudiées actuellement par le gouvernement ». Et de citer une source en haut lieu confirmant : « Les spécialistes de santé publique sont très clairs. Il faut aller au-delà de quelques centimes pour avoir un impact sur la consommation ».
À titre de comparaison, l’Australie, jugé comme un pays pionnier en matière de lutte antitabac et souvent cité en exemple, a augmenté ses taxes de 12,5 % chaque année entre 2013 et 2020, pour atteindre un prix de plus de 40 dollars australiens le paquet de 25 cigarettes, soit 24 €.