« On fabrique les fumeurs des prochaines décennies » : les dangers de la « puff »

« On fabrique les fumeurs des prochaines décennies » : les dangers de la « puff »

Avec son prix abordable et ses goûts exotiques, cette cigarette électronique jetable rencontre un succès grandissant en France auprès des mineurs, en dépit de la loi. Elle n’est pourtant pas sans risque, que ce soit pour la santé ou l’envionnement.

Apparue en 2019 aux Etats-Unis, la puff (« bouffée » en anglais) a conquis l’Hexagone en l’espace d’une année. Commercialisée en France sous une vingtaine de marques, cette cigarette électronique jetable rapporte déjà 130 millions d’euros par an aux buralistes, sur un chiffre d’affaires brut annuel de 3,6 milliards (3,6%). A elle seule, elle représente 41% des recettes liées aux e-cigarettes en bureau de tabac, qui sont d’ailleurs loin d’être les seuls à en vendre. Vapostores, supermarchés ou même discothèques : les puffs sont partout.

Chaque cigarette coûte entre 5 et 12 euros, pour quelques centaines de bouffées. Ensuite, la puff, qui contient une batterie au lithium, est bonne à jeter. Ce qui pose évidemment un problème environnemental : peu d’utilisateurs savent qu’elle doit être déposée dans une poubelle adaptée et ce déchet commence à être retrouvé « sur les plages », observe Diane Beaumenay-Joannet, chargée de mission sur le plastique au sein de l’ONG Surfrider.

Un geste à ne pas banaliser
Au-delà de son caractère peu écolo, la puff pose un sérieux problème de santé publique. Relativement abordable, facile d’utilisation et très attrayante, avec ses couleurs et ses goûts sucrés (bubble gum, barbe à papa, soda framboise, etc.), cette e-cigarette est de plus en plus prisée par les jeunes, alors même que sa vente est interdite aux mineurs. Sur les réseaux sociaux, et notamment TikTok, on ne compte plus les publications y faisant référence. Au printemps, le ministère de la Santé avait d’ailleurs adressé un signalement au Parquet, au vu de la « forte promotion » de la puff sur « des réseaux sociaux fréquentés majoritairement par des jeunes ».

« C’est une vraie inquiétude », commente Loïc Josseran, le président de l’Alliance contre le tabac, qui regroupe 24 associations engagées contre le tabagisme. Selon lui, le marketing autour de ces produits est « redoutable » : « Ça ressemble à des stylos fluo, ça se glisse dans la trousse et c’est très simple d’en consommer à l’insu de l’entourage ».

On est déjà en train fabriquer les fumeurs des prochaines décennies.

Et même si les fabricants mettent en avant la faible dose de nicotine contenue dans les puffs (jusqu’à 20 mg/ml), cela n’empêche que « c’est suffisant quand on en consomme tous les jours et tout le temps pour tomber dans la dépendance, surtout quand on a 12-13 ans », fait valoir Loïc Josseran. D’autant que « l’addiction naît avec le geste », rappelle-t-il. « On donne de la nicotine en perfusion à des gamins alors qu’on sait que plus le contact est précoce, plus l’addiction sera importante et longue », s’insurge le président de l’Alliance contre le tabac.

Les buralistes veulent une régulation
Loïc Josseran appelle les buralistes à « prendre leurs responsabilités », en refusant systématiquement de vendre ce type de cigarette électronique aux mineurs. « Personne ne vérifie l’âge des enfants. Il faut qu’il y ait des contrôles et des condamnations », plaide-t-il. Philippe Coy, le président de la Confédération des buralistes, dit n’avoir « rien contre ce produit » mais reconnaît qu’il ne « faut pas le vendre à des mineurs » ni « tenter des non-fumeurs ».

Il évoque néanmoins la difficulté de « refuser une vente », qui n’est « pas naturel chez un commerçant ». Une passivité que les acteurs de la lutte antitabac reprochent souvent aux buralistes : selon une enquête réalisée l’an passé par le Comité national contre le tabagisme (CNCT), 6 bureaux de tabac sur 10 enfreignent l’interdiction de vente de tabac aux mineurs. La Confédération, réunie en congrès ce jeudi et vendredi, indique avoir créé un groupe d’éthique pour aborder cette problématique.

Son président réclame en outre une meilleure régulation de la vente des puffs. Pour Philippe Coy, seuls les bureaux de tabac et les vapostores devraient pouvoir les commercialiser : « Ce n’est pas un produit lambda. Il contient de la nicotine et doit donc être encadré par des professionnels ». Une mesure à laquelle Loïc Josseran n’est pas opposée. Mais le président de l’Alliance contre le tabac insiste surtout sur la nécessaire vigilance des parents : « un gamin peut avoir une puff à un âge où on ne soupçonne même pas que des enfants puissent fumer », alerte-t-il.

Source: Lalsace


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