Lutte contre le tabagisme : la petite association qui s’attaque aux géants de la cigarette

Lutte contre le tabagisme : la petite association qui s’attaque aux géants de la cigarette

Alors que trois industriels du tabac ont été condamnés fin 2021 pour publicité illégale, franceinfo a rencontré l’association qui les a poursuivis. Avec très peu de moyens, elle s’attaque à la publicité illégale de ces multinationales.

C’est le pot de tabac contre le pot de terre. Le combat d’une petite association d’une trentaine de personnes contre les industriels du secteur, qui brassent des milliards d’euros . En France, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) lutte depuis 1868 “contre le fléau” du tabac, selon ses mots. Animée par des passionnés, il s’agit d’une toute petite structure, dont franceinfo a poussé la porte.

Les bureaux du CNCT sont situés à Paris, au quatrième étage d’un immeuble industriel. Dans le hall d’entrée, il faut bien chercher pour les trouver car l’association évite la publicité. En effet, ses locaux ont déjà été cambriolés. Tout tient en quatre bureaux : deux sont attribués à l’Alliance contre le tabac, qui regroupe une vingtaine d’associations dont le CNCT, un pour le Droit des non-fumeurs (DNF), une association fondée en 1973, et le dernier pour le CNCT.

“Il n’y a pas vraiment d’effervescence”, reconnaît Amélie Eschenbrenner, porte-parole du Comité national contre le tabagisme. Le télétravail, nécessaire en temps de Covid-19, en est l’une des explications mais pas la seule. “Ça peut paraître étonnant avec les actions qu’on peut entreprendre et les résultats qu’on a pu avoir : on s’attend à toute une machinerie organisée. On est organisés mais on n’est pas très nombreux au quotidien.”

Une équipe hétéroclite

Au sein du CNCT, on trouve essentiellement des médecins. C’est d’ailleurs un pneumologue qui préside l’association depuis vingt ans. “On ne compte pas les heures ! Et il ne s’agit pas de deux heures par jour…”, glisse le professeur Yves Martinet. “J’ai accompagné des centaines de patients présentant un cancer du poumon. Diminuer la consommation de tabac est vraiment un objectif dans ma vie personnelle.”

Autour de lui, il y a essentiellement des médecins mais aussi un spécialiste du marketing, un économiste, un juriste… C’est d’ailleurs l’un des atouts du Comité national de lutte contre le tabagisme : une équipe venue de tous les horizons… y compris en dehors de l’hexagone. “On est une petite équipe mais on travaille énormément avec nos collègues au niveau européen et international”, se félicite Emmanuelle Béguinot, la directrice du CNCT. “Quand des dispositions sont adoptées dans un pays, il y a une sorte d’effet domino qui opère ensuite. Par exemple, l’Australie a été le premier pays à adopter les paquets neutres, juste avant la France. On s’est donc beaucoup appuyés sur nos collègues australiens pour la mise en oeuvre du dispositif.”

Lutter contre les nouvelles stratégies des multinationales

Dans le viseur du Comité national contre le tabagisme, les nouveaux terrains de jeu des multinationales du tabac. Depuis que les ventes de cigarettes diminuent, ils se reportent sur la cigarette électronique et le tabac à chauffer. “L’arrivée de ces nouveaux produits de tabac chauffé est en effet une vraie menace supplémentaire de santé publique”, confirme Loïc Josseran, président de l’Alliance contre le tabac. “C’est un produit qui se défait de quelques désavantages du tabac – notamment visuels ou odorants – pour en garder toute la nocivité et l’addiction.”

Les industriels visent donc les jeunes, identifiés comme de potentiels futurs consommateurs de tabac, en faisant la promotion de leurs produits sur les réseaux sociaux. Or, cette publicité est interdite par la loi Évin et le code de Santé publique. Le CNCT se lance donc dans le combat judiciaire avec… un seul avocat. Il vient de remporter trois victoires : contre Philip Morris, Japan Tobacco et British American Tobacco. À chaque fois, il s’agissait de publicité illégale.

Des condamnations symboliques

Cependant, les condamnations sont symboliques et les peines relativement faibles – 75 000 euros d’amende – au regard des revenus de l’industrie du tabac. “Les industriels se moquent un peu des condamnations pénales. Ils ont déjà intégré ce risque pénal dans le cadre de leurs stratégies”, déplore maître Hugo Lévy. “Une condamnation d’un tribunal correctionnel, en France, c’est assez peu de choses. British American Tobacco, par exemple, est multi-récidiviste en matière de publicité pour le tabac.”

Dans ces conditions, le rôle de l’avocat est plus souvent de “limiter le déploiement de cette publicité offensive”, selon ces propres mots. Maître Lévy assure d’ailleurs se sentir un peu seul pendant les audiences, affirmant que le plus souvent il n’a pas l’appui du parquet. Il assure que, pour le ministère public, c’est une affaire qui ne regarde que le Comité national contre le tabagisme et les industriels visés.

Source: France Tv


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